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Livre - "La plus secrète mémoire des hommes" - Mohamed Mbougar Sarr

« La plus secrète mémoire des hommes »

Mohamed  Mbougar  Sarr

Editions Philippe Rey / Jinsaan - 2021

458 pages

 

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Sacré Prix Goncourt 2021, le roman de Mohamed Mbougar Sarr est un thriller littéraire et historique remarquable et passionnant.

 

Le récit happe le lecteur dans un tourbillon qui traverse le XXème siècle autour d’un livre culte « Le Labyrinthe de l’inhumain » d’un auteur africain du nom de TC Elimane que personne n’a jamais vu (en dehors de ses deux éditeurs). Ce livre édité en  1938 a défrayé la chronique lors de son année de parution au point que l’auteur avait été surnommé le « Rimbaud nègre ». Pour les jeunes auteurs africains, notamment ceux installés en France, cette histoire touche autant à leur passion pour l’écriture qu’à la question de leur identité en Occident dans un monde où les relents de colonialisme sont encore perceptibles.

 

C’est le cas du personnage principal de ce roman, Diégane Latyr Faye, élève brillant dans la filière d’excellence littéraire française. C’est lui le guide du lecteur dans cet écheveau complexe où la quête du mystère TC Elimane laisse derrière elle des morts troubles, des questions sans jamais de véritables réponses si ce ne sont d’autres questions.

 

Dans le contexte des tragédies de deux guerres mondiales, d’une fin de XXème siècle où d’autres conflits ou guerres civiles et de nouvelles dictatures naissent ici et là, Mohamed Mbougar Sarr nous entraîne dans un labyrinthe enveloppant où on peut très vite comprendre qu’on ne sortira pas indemnes de ce roman.

 

 

Francesca Capellini

Oeuvre de Francesca Capellini

 

 

 

Au creux des pages, dans un style étourdissant, l’histoire de Diégane et Elimane s’enroule autour des questions de l’écriture et de la création, du rapport obscur et subtil à la littérature, quels qu’en soient les époques, les continents et les auteurs, quel qu’en soit le prix à payer.

 

Et puis, on retrouve la question de l’identité multiple qui fait qu’une personne ne se résume pas à sa couleur de peau ou à son origine, à sa religion ou à son athéisme, question cruciale dans des temps pas si lointains (le début de XXème siècle par exemple) où ces jeunes auteurs noirs restaient des « attractions » avant d’être considérés comme des écrivains à part entière, au même titre que n’importe quel romancier.  Tout cela les amenaient (peut-être est-ce encore le cas aujourd’hui) à une forme de grand écart entre leur culture d’origine source de leur inspiration et le monde occidental dominant avec ses codes d’assimilation qui font tirailler les identités contradictoires, provoquant même des brouilles au sein même des communautés d’écrivains.  

 

L'identité multiple de chacun est la base de la reconnaissance qui fait que tout être humain doit être considérer dans sa complexité toute entière et pas seulement sur l'apparence qu'il peut montrer. C'est sur cette base-là que l'association Bourgogne Franche-Comté Initiative Solidarité situe son action, dans l'acceptation de la différence, dans la tolérance et la reconnaissance qui permettent le partage. 

 

 

Oui « La plus secrète mémoire des hommes » est un livre magnifique où finalement le personnage principal est peut-être la littérature elle-même, comme une porte grande ouverte vers cette humanité individuelle et collective qu'on a trop tendance à oublier.

 

 

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Extraits

 

Page 15

Plus on découvre un fragment du monde, mieux nous apparaît l’immensité de l’inconnu de notre ignorance.  

 

Page 20

Un hasard n’est jamais qu’un destin qu’on ignore.

 

Page 35

C’est la vie qui compte. L’œuvre ne vient qu’après. Les deux ne se confondent pas. Jamais.

 

Page 69

Le retour qu’on rêve est un roman parfait – un mauvais roman donc.

 

Page 78

Le Visage est le signe de l’autre, l’image de son interpellation souffrante lancée à travers moi, à toute l’humanité.

 

Page 119

La funeste prétention du livre essentiel est de cercler l’infini ; son désir, d’avoir le dernier mot face au long discours dont il est la plus récente phrase. Mais il n’y a pas de dernier mot. Ou, s’il y en a un, il ne lui appartient pas, puisqu’il n’appartient pas aux hommes.

 

Page 161

  • Ne t’enflamme pas si vite. Toutes les moitiés de fesses ne se ressemblent pas. La raie du cul n’est pas un miroir.

 

Page 181 (à propos de deux hommes africains partis vers l’Europe)

… Ils ont néanmoins eu le même destin, ainsi que le même rêve : devenir des savants de la culture qui a dominé et brutalisé la leur.

 

Page 282

La réalité n’a pas de contraire, tout ce qui arrive dans l’expérience humaine est de la réalité.

 

Page 287

J’ai toujours pensé que chaque livre que publiait un écrivain n’était que la somme de ceux qu’il avait détruits avant d’ne arriver là, ou le résultat de tous ceux qu’il s’était retenu d’écrire.

 

Page 325

… Mais je ne le cherche plus

  • Pourquoi ?
  • Parce que je sais que le retrouver ne signifierait pas le comprendre et encore moins le connaître. Voilà pourquoi j’ai arrêté de le chercher.

 

Page 336

La politique n’était à ses yeux que le capitalisme bien réglé des désespoirs bien compris.  

 

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11/05/2022
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